lundi 26 novembre 2007

Non, ce n'est pas loi loi LRU qu'il fallait voter

L’actuelle ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécressse, défend la réforme dite LRU (Libertés et Responsabilités des Universités) en rappelant sans cesse que l’état fait un effort inédit en apportant, pendant 5 ans, 1 milliard (même 1,8 milliard en 2008) au budget de l’enseignement supérieur. Le discours adressé à l’opinion est simple, regardez l’état offre des milliards et la réponse des étudiants est toujours la même, ils bloquent les universités.
Dans le même temps, le précédent ministre, François Goulard, critique sur son blog l’agitation étudiante, tout en reconnaissant que la loi LRU n'apporte « aucune esquisse de solution » aux réels problèmes de l'enseignement supérieur.
Je partage ce dernier avis, la loi LRU ne s’attaque pas aux réels problèmes de l’université et ne simplifie en rien le paysage fort complexe de l'enseignement supérieur (si seulement, nous classions les systèmes universitaires sur le critère de la complexité, nous serions champion du monde !).

Valérie Pécresse et François Goulard s’entendent pour dire que les critiques des étudiants et que la loi LRU n’organise pas le désengagement de l’état, la sélection ou l’augmentation des droits d’inscription. C’est vrai, mais peuvent-ils assurer que cette loi ne va pas engager l’université dans une voie qui la mènera effectivement vers un fort désengagement de l’état, une sélection en licence, une augmentation des droits d’inscription, une dé-fonctionnarisation des statuts des personnels et à un pilotage de l’université par des membres extérieurs.
Je pense que cette loi est de même nature que la première loi qui a transformé, à la fin des années 80, la direction générale des télécommunications (DGT) en l‘établissement publique France Télécom. Cette loi était anodine et indolore, mais elle a initié un mouvement qui a transformé un service public en établissement public puis en société anonyme (je ne discute pas ici du bien fondé de ce changement, dicté principalement par des décisions européennes).
Je pense que la loi LRU va, selon le même processus, mettre l’université sur des rails qui la conduira là où une majorité de personnels et d’usagers ne souhaite pas aller. Je comprends donc que cette loi puisse inquiéter et mobiliser les étudiants.

La ministre insiste toujours sur l’effort inédit qui se chiffre en milliard, mais ne donne jamais de détail des affectations. Elle ne compare jamais cet effort budgétaire à ceux consentis pas nos voisins ou à ceux jugés nécessaires par tous les rapports sur le financement de l’enseignement supérieur.
L'effort budgétaire inédit selon la ministre reste un effort très insuffisant.
La vérité est qu’une petite partie du milliard supplémentaire va vraiment à l’université et aux établissements d’enseignement supérieur.
Face à une communication trompeuse du ministère, les étudiants ont raison de réagir et de remettre les pendules à l’heure en faisant une analyse sérieuse de la situation.

Dès maintenant, la loi LRU transforme radicalement le pilotage de l’université. Elle abandonne le principe ancestral de collégialité qui organise les conseils comme les commissions de spécialistes et confère au président et au conseil d’administration des pouvoirs exorbitants sans réel contre-pouvoir interne.
Certains parlent déjà d’hyperprésidence universitaire.
Assurément, ce n’est pas cette orientation qui permettra de résoudre les problèmes réels de l’université.
Plutôt que de voter en catimini la loi LRU, il aurait été préférable de commencer par re-structurer et simplifier le paysage de l’enseignement supérieur.
Les mesures nécessaires ne sont pas dans la loi LRU.

Pour finir, voici des propositions de ce qu’il faudrait commencer par faire aujourd’hui :
- simplifier l’organisation de l’enseignement supérieur en rapprochant les différents acteurs : universités, grandes écoles, classes préparatoires… comme c’est le cas partout à l’étranger. Les meilleurs laboratoires sont essentiellement dans les universités, les meilleurs étudiants doivent y être aussi.
- orienter les bacheliers non généraux en priorité vers les formations technologiques et s'assurer que les filière courtes et sélectives ne servent pas de « classes préparatoires » aux autres formations de l’université,
- alléger le service d’enseignement de tous les enseignants-chercheurs afin qu’ils puissent assurer l’ensemble de leurs missions. Très concrètement, pour qu’ils soient tous actifs en recherche (la recherche ne doit pas être optionnelle pour un enseignant-chercheur), pour qu’ils participent tous au fonctionnement de leur établissement (ce n’est pas une minorité déconnectée du reste des collègues, voire un « hyper-président », qui réussira à piloter les établissements d’enseignement supérieur) et enfin (last but not least) pour qu’ils puissent tutorer, encourager, informer et orienter les étudiants,
- arrêter d’être fasciné par le classement de Shanghaï et de justifier les réformes par rapport à ce classement sans réelle valeur,
- doter budgétairement les établissements en rapport avec leur faculté « d’ascension éducative et sociale » en commençant par donner autant pour un étudiant de licence que pour un élève de grande école (on ne peut qu’être choqué quand on sait qu’un élève de l’ENA coute 50 000€ par an et moins de 7 000€ un étudiant d’université).