mardi 31 mars 2009

Et si le débat sur la LRU arrivait sur le bitume en mai ?

Je relisais le premier billet que j'avais écrit sur ce blog en novembre 2007. Il était consacré à la LRU (loi Libertés et Responsabilités des Universités), la loi qui réforme l'université.
Cette loi a été votée en catimini en août 2007, moins de trois mois après l'élection de Sarkozy à la présidentielle.
Sarkozy savait qu'une réforme de l'université était difficile à faire passer, il se souvenait des déboires du projet de loi Devaquet en
1986 et voulait profiter de l'état de grâce pour faire voter cette loi. En plus, c'est bien connu, en août, tout le monde est à la plage et personne ne manifeste.
Pas plus d'opposition à l'automne 2007, ce sont surtout les présidents d'université qui se sont fait entendre pour dire tout le bien qu'ils pensaient de cette loi qui les faisaient rois, plus exactement hyper-présidents d'université .
En 2008, les étudiants se sont bien mobilisés contre la LRU, mais sans relais des personnels de l'université, leurs contestations a fait long feu.
J'ai toujours pensé que loi mal acquise (ou plutôt non concertée) ne dure jamais longtemps.
Deux ans plus tard, il se pourrait bien que la LRU soit mise au banc en mai 2009.

En 2007, j'avais titré mon billet "Non, ce n'est pas loi loi LRU qu'il fallait voter", j'ai toujours le même avis et je ne retirerais rien de ce que j'avais écrit alors.

Que sait-il passé depuis 2 ans ?
Je crois que la majorité des enseignants-chercheurs et étudiants ont enfin compris que derrière les beaux mots de "liberté" et de "responsabilité" se cachait un projet d'inspiration très libérale visant à renforcer la concurrence entre universités, entre collègues, à diminuer les crédits de l'Etat, à augmenter sensiblement les frais d'inscription et à réduire à terme les postes de fonctionnaires.
A mon avis, si la loi LRU a suscité peu de réaction pendant 2 ans, c'est qu'en fait tout le monde était un peu résigné et pensait que cette évolution était "naturelle". Après les banques, France Télécom, EDF, Gaz de France, les sociétés d'autoroute..., c'était au tour de l'université de passer sous la toise de la libre concurrence non faussée.

Et puis, voilà qu'arrive à la mi-2008 la plus grave crise financière depuis plus de 3/4 de siècle... avec son lot de scandales et d'escroqueries.
Du coup, la grande réforme libératrice et responsabilisante qui offre l'autonomie à l'université sous la tutelle de son hyper-président fait réfléchir et commence à être contestée.
Aujourd'hui, la question est : Peut-on arrêter ce mouvement de rejet d'une université LRUrisé quand, chaque jour, on constate les effets pervers des principes mêmes de cette loi dans le monde économique ?

Mettre un terme aux manifestations actuelles aurait été certainement possible si de bonnes paroles avaient été prodiguées au bon moment, si un grand discours avait rappelé la sollicitude du pouvoir envers l'enseignement-supérieur et la recherche. A la place, la communauté n'a perçu qu'un discours présidentiel (22 janvier 2009) plein de mépris et de mensonge.
Je me risque à croire que les retombées de ce discours se paieront en mai, ce ne sera pas "sous les pavés, la plage", mais "sur le bitume, la plainte de l'université".

Sur le fond, y a-t-il lieu de s'alarmer de l'ensemble des réformes engagées (LRU, ANR, statut des enseignants-chercheurs, statut des doctorants, suppression de postes, défléchage des moyens des IUT, masterisation de la formation des enseignants, transformation des organismes de recherche en agence de moyens, démantèlement du CNRS...) ?
Vu le nombre de réformes, le manque de concertation et la précipitation à les faire passer, la réponse peut difficilement être négative.

Pour finir, je ne traiterai que d'une question ou plutôt d'une idéologie, celle de renforcer la concurrence entre établissements d'enseignement supérieur et de distinguer parmi eux les grands et les petits, en donnant beaucoup aux premiers et très peu aux derniers.
Nombreux sont les rapports ou les échos du ministère qui montrent qu'on va dans cette direction (cf. les propositions du cercle des économistes : http://www.educpros.fr/universites/autonomie/detail-article/h/44a2cdfefa/a/crise-du-modele-universitaire-francais-les-solutions-du-cercle-des-economistes.html).

Ce que je distingue du paysage qu'on prépare, c'est la hiérarchie d'établissements suivantes :
1- les grands écoles
2- les petites écoles extérieures à l'université
3- les écoles universitaires (type polytech)
4- les UFR d'université de prestige (en très petit nombre) disposant de laboratoires reconnus et de formations à la recherche
5- les instituts (type IUT)
6- les UFR d'université spécialisée et attractive dans un nombre de champs restreint
7- les autres UFR appartenant à des centres universitaires ou collèges universitaires délivrant des diplômes de premier cycle et éventuellement quelques masters professionnels sur quelques créneaux ciblés

A terme, les moyens affectés, en personnes et en crédits, seraient inversement proportionnels au rang (de 1 à 7) et certainement les coûts d'inscription aussi.
On aura certainement réussi ainsi à faire remonter quelques établissements dans le classement de Shanghai, mais on aura surtout changer le modèle de l'université française, en le rendant encore plus inégalitaire et concurrentiel.

On remarquera que cette politique abandonne définitivement toute logique d'aménagement du territoire. Les grandes écoles et les universités de prestige étant bien évidemment dans les mégapoles et les centres universitaires dans les villes moyennes. Est-ce raisonnable à l'heure des réseaux, de l'enseignement à distance et des projets de recherche coopératifs ?